Au coeur de la nature

Un galet coeur pour ma collection de petits cailloux semés sur la carte du tendre. Un galet peint par un galopin. A vrai dire, le gentil galopin est ma petite-fille. Un coeur large comme son sourire. Un petit mot cordial qui me met du baume au coeur. Un galet trouvé au pays des galettes.

Pourquoi cette collection de coeurs de pierre ? Je ne sais pas. Petites sculptures du temps et de l’eau, naturelles et merveilleuses, dont le hasard de la trouvaille, comme le trèfle à quatre-feuilles, et la forme, hasardeuse elle aussi, mettent l’esprit en joie.

Pourquoi cette joie dans cet objet dérisoire ? Le symbole contenu, c’est joli un coeur, le souvenir pétrifié d’une balade au bord de l’eau, seule ou en compagnie. Une madeleine en somme, ce fameux coquillage du pâtissier, ou bien un pavé mal équarri, euh mes galets sont tout petits, en tous cas un coeur qui dit bien des intermittences.

Questions à mon rosier

Ce rosier de mon jardin, aux grosses fleurs d’un ton fruité, gourmand et vivifiant, est une création Meilland et s’appelle Christophe Colomb.

Aïe, je m’interroge, avec un tel nom, dois-je le supprimer de mon parterre, le déraciner ?

Mais alors, tuer cette variété de rosier serait écocide ! Si tous les propriétaires de rosiers Christophe Colomb les exterminent, celui-ci va disparaître de la planète. Et la biodiversité ?

De toutes les façons, le jardinage est une occupation raciste. On supprime sans état d’âme des herbes qu’on déclare mauvaises, on décapite des arbres sans procès, on arrache des plants pour des questions de couleur ou sous le seul prétexte qu’ils sont trop nombreux.

Mais le jardinier, dans sa sagesse, se soumet avant tout à l’ordalie du soleil, de la pluie et du vent et prie pour la clémence des éléments !

z,z,z,z,z

Zinnias, mes beaux zinnias, vous n’avez plus aucun pouvoir. Ah ! que suis-je à Zanzibar avec Zénaïde ou Zoé ! J’ai souvent souhaité de vivre en ce paysage de rêve, assis sur le Z majuscule. Je regarderais mes zouaves chasser le zèbre et le zébu avec la zagaie que l’on voit appuyée au bord de l’image. Zélateur de Zarathoustra, je vivrais là loin des zoïles, loin des zizanies, des zéros, du zona, des zincs et des zozotants zoographes, le poing sur mon zygoma, perdu dans la contemplation du zénith ou du zodiaque, tel un innocent zoophyte. Ainsi jusqu’au zigzag suprême et jusqu’au zut définitif.

Georges Duhamel, Fables de mon jardin

J’aime les zinnias, petites fleurs multicolores et joyeuses, aussi démodées et oubliées que l’écrivain Georges Duhamel. Elles ont le défaut d’être annuelles, il faut les semer au printemps, or, cette année, zut, j’ai zappé ! Le coronavirus ayant mis tout son zèle à nous zigouiller, je n’ai pas approché la zone commerciale pour zieuter les graines. J’ai juste acheté fin mai un géranium zonal ! Mes zinnias préférés sont de couleur zinzolin ou rouges avec un zeste de jaune 🙂

Et maintenant, zoom sur l’été et son doux zéphyr !

Nos petites soeurs les fleurs

Un liseron en lisière de la plage, un liseré blanc au centre des pétales, dessinant une étoile à cinq branches, un creuset où fond l’or du soleil, la fleurette en mauve adorable m’invite à citer ce cantique :

Bénis sois-tu, Seigneur, pour nos petites soeurs les fleurs,

De la naissance à la mort, dans nos joies et nos peines,

Qu’elles laissent deviner Ta tendresse.

Saint François d’Assise, Cantique de la création

À Saint Germain des Prés

Au grand magasin en ville, Bouchara pour le nommer, rayon linge de maison, grande promotion sur les draps en lin lavé, en percale lavée, en gaze de coton lavée, et sur l’étiquette il est noté de laver le linge avant la première utilisation.

La mode est à l’étoffe lavée. Lavée avant le premier lavage. Si j’achète une housse de couette en lin non lavé, et que je la lave normalement avant de l’utiliser, elle ne deviendra pas une housse en lin lavé. Non, le lin lavé doit l’être avant l’achat, avant le lavage domestique.

Le tissu est lavé avant pour ôter l’apprêt. Et quand il n’y a plus d’apprêt, la nuit est comme une chanson douce.

Le déclic

La tête en broussaille, le corps ensommeillé, aucun courage ce matin ; je laisse l’imaginaire s’emballer, les mots s’entremêler et mon dos se caler dans les oreillers. Au nombre de trois mes oreillers, pour tisser un cocon de paresse. C’est mon refuge, mon aire, un air de rien, de tout ce que je ne sais pas formuler, vacance, ivresse de l’heure oubliée.

Je prends un livre tout petit, léger dans mes mains indolentes, bien qu’elles soient obligées de travailler, mes mains activent le coupe-papier, cet objet chéri, démodé, d’un autre temps. Ce petit livre aux feuilles pliées, cousues, d’un beau papier, imprimé par un joli nom d’éditeur, La guêpine, s’intitule Le déclic. Son auteur est Charles Juliet, mon ami des heures silencieuses, retirées du monde, des lectures intimes que j’ai du mal à partager. Je la partage ici en ce lieu que personne ne visite.

Je lis sa nouvelle d’une traite, elle lui ressemble tant, c’est tout ce que je crois être lui, cet homme discret, profond, authentique, revenu des mondanités, une personne qui me rappelle tant Charles Swann. Son personnage éprouve un déclic, cette étincelle qui vous ouvre à vous-même, vous donne une confiance inconnue jusque là, une espérance inespérée. Dans mon lit je ressentais plutôt le déclin, l’enlisement, il fallait que je lise, et hop, je revis, j’écris et je clique sur « publier » !

Rêverie du promeneur solitaire

Un parfum de paradis, la solitude au grand air pur.

Pourvu que ça dure, me dis-je en tout égoïsme.

Heidegger a écrit que le tourisme devrait être interdit. Comment peut-on affirmer un tel despotisme ? Le tourisme de masse devient cependant une forme d’occupation oppressante et totalitaire. L’heure est peut-être venue de changer nos habitudes de voyage, nos comportements grégaires. L’heure de laisser un peu plus souvent la valise au placard.

Et si on contournait l’incontournable, si on évitait ce qu’il faut avoir vu, vécu, entendu ? Si, comme madame de Sévigné, on allait vivre en restant chez nous la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’à aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie.

Recopier cette célèbre phrase est une excursion ! Et si on voyageait en littérature ?

Le monde d’après

La photo ci-dessus montre un bunker du mur de l’Atlantique, sur lequel ont été peints des chardons bleus, espèce protégée de la flore sauvage des côtes bretonnes. Rencontre de l’écologie et de l’Histoire !

Ecologie, politique, polémiques, Histoire, économie, santé … tous les sujets nous assaillent en tous sens, l’actualité ne sait où donner du gros titre, nous vivons des journées et des nuits effrénées, ébouriffantes, hallucinantes. Comme si le virus avait atteint gravement notre cerveau.

On aurait pu penser que l’épidémie nous rendrait plus posés, plus réfléchis, plus altruistes, c’est tout le contraire. Une pandémie de manifestations chasse celle du coronavirus. On se demande parfois ce que cela veut dire, certains manifestants germanistes pourraient se dire ich weiss nicht wass soll es bedeuten dass ich so Traoré bin , et non, pas de place pour la poésie mais pour la castagne !

L’hydroxychloroquine est une nouvelle affaire Dreyfus, elle divise les hommes de sciences et les familles avec les pour et les contre, le président de la République barbote dans son autosatisfaction naturelle, la Chine nous montre en détail comment elle maîtrise le retour du virus et, si elle découvrait bientôt le vaccin, elle posséderait l’arme idéale pour mettre le reste du monde au pas.

Pendant ce temps nous parlons tous du monde d’après, comment le réinventer ? Le monde d’en haut aura les moyens d’un monde d’après, le monde d’en bas ne pourra au mieux que revenir au monde d’avant … Protégeons nos fleurs sauvages !

Distanciation

Déjeuner à la crêperie ce midi, nouveau décor

gel hydroalcoolique sur une sellette à l’entrée

flèches rouges au sol pour guider nos pas dans la France verte

menu écrit sur l’ardoise à côté de la paroi en plexiglas

politesse du mètre-cinquante

crêpière masquée brandissant son rozell, haut les mains peau de lapin ! (le lapin est la première crêpe un peu ratée mais très bonne, qui sert à tester la température de la pillic)

tables clairsemées, paiement sans contact, parfum de désinfectant et de beurre salé, masques posés à côté des fourchettes, petit quelque chose étrange et futuriste dans notre crêperie traditionnelle

le cidre a gardé son moussant, l’oeuf son miroir, la crêpe son croustillant, le ciel son gris lumière, la saison revient à saute-mouton, barrières après barrières …

La fête Dieu

Aujourd’hui l’Eglise fête la solennité du Saint Sacrement, ce jour s’appelait autrefois la fête Dieu. Elle célèbre la présence réelle de Jésus dans le tabernacle, dans l’hostie, ainsi que je le précisais hier à propos d’un mot qui n’a rien à voir avec la religion, « présentiel ». Cette fête religieuse était un événement dans le village et j’en ai un vague souvenir d’enfance. Une longue procession dans les rues, parfois semées de pétales de fleurs, présentait aux habitants l’ostensoir qu’ils pouvaient admirer pleinement. Les maisons étaient décorées, drapées, on s’endimanchait, même si cette fête devait normalement avoir lieu le jeudi suivant la fête de la Sainte Trinité. Dans les pays où ce jeudi n’est plus considéré comme un jour férié, la fête a lieu le dimanche suivant.

Et c’est en effet déjà un dimanche qu’avait lieu la fête Dieu dans le conte de Flaubert, Un coeur simple. Cette fête est mentionnée deux fois dans la nouvelle très attachante et émouvante de Flaubert. Oh lala, je suis distraite, pendant le sermon de monsieur le curé je pensais à Félicité et son perroquet ! Félicité, la brave servante au coeur simple, perd un peu la tête à la fin de sa vie et meurt le jour de la fête Dieu. Au moment où le prêtre dépose l’ostensoir devant sa fenêtre, elle voit le Saint Esprit dans son perroquet coloré, gigantesque, qui déploie ses ailes et s’envole au dessus d’elle, emportant son dernier souffle.