Les cinquante-cinq jours de confinement se sont écoulés et je ne suis pas parvenue au bout de mon stock de survie. J’avais fait mes achats de première nécessité sur le site de ma librairie qui proposait l’expédition à domicile. Redoutant la pénurie, le manque, la famine, j’avais vu large dans mes courses de poésie. Je crois qu’il valait mieux ainsi, je ne me sens pas encore prête pour affronter la ville, la foule, la queue à la caisse, j’ai gardé le goût des achats confinés entre écran et oreillers. Je flânerai dans les rayons plus tard.
La poésie de Jean-Pierre Boulic continue, année après année, de m’enchanter. L’ourlet de ses pensées se faufile parmi le silence, la clémence du granit, (je le cite), il saisit la lumière de l’instant avec des mots simples et frémissants. Le premier poème de son dernier recueil, intitulé « L’eau de la grève est si bleue », paru en septembre 2018, utilise un mot qui résonne d’une façon toute particulière cette année, voici la seconde strophe :
Voyelles qui vous envolez
Ô pauvres signes précurseurs
Je vous donne à l’oreille
L’enfance du poème
De ce mystère où s’auréole
L’âme jusqu’aux confins des heures
Jean-Pierre Boulic utilise dans plusieurs poèmes ce mot pluriel, confins, comme un signe précurseur … Nous voilà aujourd’hui aux confins incertains, attendus, hésitants, pleins de mystère, du confinement. Nous allons revoir l’eau de la grève si bleue en enfants émerveillés, pleins de sagesse.