Rouilles

La rouille disparaît de notre environnement, elle devient une pièce de musée, comme cette sorte de pelle que j’ai photographiée au musée de la marine à La Rochelle.

à la rouille s’oppose l’inoxydable.

à la fragilité s’oppose la sécurité.

Le plastique remplace la ferraille qui rouille.

Les voitures et les trains ne rouillent plus, on ne roule plus dans un tas de rouille. Les épingles, agrafes et boutons-pression ne laissent plus un point de rouille sur le linge, les appareils ménagers ne s’oxydent plus, le fer blanc des batteries de cuisine a fait place à l’inox et au téflon.

Ouille, la rouille citrouille, qui coince, esquinte, détruit, empoisonne, la rouille d’abord insidieuse, silencieuse, puis voyante, grinçante, on ne peut guère la regretter. Et pourtant, elle avait du charme.

Un petit livre couleur de rouille nous fait revivre le temps ancien des rouilles, ces rouilles banales, quotidiennes, qui faisaient partie de notre vie.

Françoise Louise Demorgny, Rouilles, éd. Isabelle Sauvage

L’auteur évoque l’enfance dans un village des Ardennes, le pays des fonderies, du minerai, le pays de la pluie, de la rouille. Une industrie en voie de disparition, effritée, pulvérulente, des vies minuscules et fragiles qui s’effacent, laissant une dentelle de rouille. De rouilles, le mot est au pluriel, il est au propre et au figuré.

Au cimetière, les croix métalliques dressent leurs silhouettes rouillées dans la brume humide. Au château, la grille du parc ocre rouge ne s’ouvre plus. Françoise Louise Demorgny nous remet en mémoire tous ces objets sujets à la rouille qui s’évanouissent de notre temps présent, avec tendresse, humour, mélancolie.

Ce tout petit livre poétique m’a emportée, émerveillée dans sa délicatesse. Le dernier mot du livre, j’aime bien noter l’importance du dernier mot, est s’oxydant. Ma curiosité est vive et je ronge de la hâte de lire les autres ouvrages de cet auteur (on dit maintenant « autrice » ou « auteure » mais ces mots me dérangent, le mot masculin général n’a pas encore rouillé dans mon esprit !).

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